7 septembre 2013. Ouverture du tant espéré EPN de mon cœur. 4 ans plus tôt ce n'était qu'une idée de couloir jetée en pâture par moi-même au grand directeur de la Médiathèque d'Arcueil. 4 ans de préparation donc, dont une dernière année rapide et furieuse digne d'un fast and furious 12.

Entre l'idée et la finalité, il aura fallu de multiples étapes à "étaper", véritable parcours du fonctionnaire combattant et dépendant d'une décision finale de la haute sphère municipale (car tant que rien n'est voté, rien n'est fait, mais faut faire quand même).

Round 1 : L'idée. Etat des lieux.
Un espace image/son rez de chaussée cohabitant avec un espace multimédia sous exploité. 5 pauvres postes informatiques disponibles à la demande pour un usage strictement de "recherche documentaire" ; pas de messagerie, pas de réseaux sociaux, pas de clé usb, et encore moins de tranquillité pour les usagers car mangés par un espace cd et dvd hyper exploité.
Une énorme salle de travail jeunesse au deuxième étage, trop énorme pour trop peu de devoirs (dira-t-on), celle-ci est principalement utilisée pour ce qui touche aux animations et événements (petits dej' contes, accueil de classes, etc.). Animations et événements qui peuvent se faire à d'autres étages fort heureusement.
Déplaçons alors cet espace multimédia dans cette gigantesque salle du 2ème étage et appelons le Espace public numérique (tout en gardant cette partie salle de travail).

L'idée principale est.
Loin d'être suffisante. Quitte à faire un bon technologique, équipons-nous de ressources numériques consultables sur place et à distance. On parlera de VOD, de streaming, de téléchargement, d'ebooks à notre public bien aimé, mais aussi à nos collègues, certains ouverts, d'autres réfractaires.. Poussons même le bouchon un peu plus loin : prêtons des liseuses! Accompagnons la plèbe dans l'ère du numérique, du débutant zero aux plus confirmés ("dans la limite de nos connaissances disponibles"). Les services après vente D*rty et consors n'ont qu'à bien se tenir.
L'idée globale est. Portée par l'ouverture d'esprit d'un Directeur fou et les compétences "techniques" d'un Duracelleur fou (sans brossage aucun).

Round 2 : Le début du combat. Les visites de courtoisie.
Je ne m'étalerai pas sur la masse de travail et la tonne de paperasse accomplis par mon supérieur. Entre les multiples réunions (et comptes-rendus) avec la hiérarchie et les milles et une recherches sur ce qui se fait numériquement parlant chez les autres. Ces autres, grands précurseurs, Issy les Moulineaux, Fontenay sous Bois, pour ne citer qu'eux, déjà bien encrés dans l'ère numérique en médiathèque, nous ont même accueillis dans leurs entrailles, donnant une première idée de ce qui se fait en cas d'évolution. Les échelles diffèrent (budget, nombre d'habitants, etc.) mais les intentions sont là (les liseuses pour Issy, les ressources numériques pour Fontenay).


Round 3 : Validation des élus "sur le principe" avant la validation définitive en bureau municipal.
3 années passent. 3 années de crise financière monumentale, où restriction est mot d'ordre. On se garde de s'enflammer sur l'avenir d'un EPN, mais rien n'entache le "on y croit".
Quand tout à coup! La machine est lancée. Tout à coup tout reste à faire. Pour hier.

Round 4 : SHAMAN. L’offre Numérique en Médiathèque.
Je pars en mission formation, les 2 pieds dans le plat, pour une semaine d'écoute ultra attentive sur ce qui se fait numériquement de bien aujourd'hui en médiathèque. Se succèdent alors personnalités de la terre du milieu (Jean Luc Raymond, Florence Carre, Nathalie Caclard...) passionnés venus partager des expériences toutes différentes et donnant de réelles idées sur ce que nous pourrons proposer à nos usagers. Tout y passe : Numilog, Europresse, Cybook, Cité de la Musique, Rosetta Stone, Ziklibrenbib, etc. Proche de la noyade dans une masse d'idées optimistes qu'il faudra adapter en temps voulu.

Round 5 : Validation définitive et promotion présidentielle.


Force est de constater qu'avec du travail (et une bonne étoile) aujourd'hui on peut encore "évolutionner" dans le milieu du bibliothécaire fonctionnaire. Fier emploi jeune j'ai commencé il y a 10 ans de ça, fier responsable EPN j'y suis aujourd’hui. Le lancement du projet est officiellement officiel, des travaux en prévision, une micro embauche (mi-temps vacataire précaire) est faite pour m'épauler, une date d'inauguration est même posée. Reste 6 mois pour s'activer.

Round 6 : Les travaux, le mobilier, le matériel.
Chaque chose aura pris plus ou moins son temps dans les règles administratives de notre chère administration. Un plan d'aménagement est proposé puis validé, une cloison vitrée est posée, les câblages réseau et électriques sont faits, entre temps les meubles sont choisis, l'EPN lieu prend forme. Budget assez serré pour le mobilier, nous n'avons pas pu nous tourner vers du mobilier spécifique multimédia style design art néon tendance, hélas. Restons sobres, le lieu ne se démarquera pas par une déco technologeek, chose vue dans d'autres Médiathèques (avec d'autres moyens bien-sûr).
Le matos : 10 postes informatiques style micro-tour Dell tournant sous win7 bien assez puissants pour de la navigation internet. Des casques audio avec micro intégré. Une imprimante laser couleur multifonction. 3 accès CPL (no wifi, choix en haut lieu). Une PS3 vidéo-projetée sur une large toile prévue à cet effet (mais prévue avant tout pour les ateliers). Un iPad, une Nexus 10 qui resteront sur place également. Pour finir on montera les livres et revues informatiques, ainsi que les cdroms de la section image/son.

Round 7 : Les ressources numériques accessibles à distance.

Passons le côté archaïque retrouvé chez certains fournisseurs, Toutapprendre et Naxos (histoire de balancer un peu), dont les interfaces viennent d'un autre temps et ne donnent franchement pas envie de s'engager... malgré tout le bien qu'on a lu ou entendu ici et là. Et le fait que le marché numérique est extrêmement mouvant avec des offres et des prix qui changent d'une année sur l'autre.


Numilog, fournisseur d'ebooks, et arcueillais. Choix limite trop facile du fait de cette situation. ("Hey vous êtes Arcueillais? travaillons ensemble!")
Sujet ultra sensible, les livres au format numérique restent visiblement trop chers pour le public à l'heure actuelle (30% moins onéreux qu'un livre physique). Les éditeurs ne voulant strictement rien lâcher, une première barrière financière est posée (chose censée évoluer dans les prochaines années selon les rumeurs les plus folles...). Deuxième barrière : un catalogue pour médiathèques radicalement différent du catalogue pour les particuliers (je laisserai juger les bibliothécaires par eux-même). Dernière barrière : un système de prêt similaire au prêt physique, quand un ebook est emprunté, il n'est plus empruntable par d'autres usagers, pilule difficile à avaler quand on sait comment le dieu internet fonctionne aujourd'hui.


La "difficulté" reste de brosser les publics dans le sens légal du poil ; sens légal avec sa contrainte Adobe Digital Edition qui fait plus fort qu'un iTunes rédhibitoire. Passé ces restrictions/barrières/étapes, un joli fond d'ebooks a été mis en place (environ 400 dans un premier temps à la limite de 2 "emprunts" par mois pour notre cas) avec la mise à contribution des équipes jeunesse et adultes pour les acquisitions, puis après ouverture, un réel dialogue et accompagnement avec le public sur le fonctionnement de la chose.


Médiathèque Numérique, bouquet VOD confectionné par Arte et Univers Ciné. Notre poule aux œufs d'or avec plein de pépites dedans parmi un choix de 2000 et quelques titres (fictions, docus, émissions, etc.). Simple d'utilisation, mais encore une fois, à l'heure où l'on parle d'internet et de son tout illimité, les restrictions restent présentes (2 visionnages/téléchargements par mois chez nous) avec installation d'un plugin silverlight à la clef. Les boulimiques mangeurs de films (ceux qui empruntent 15 dvd par jours) sont déçus, les autres ravis d'accéder à une belle offre de VOD.


La Cité de la Musique et ses moultes concerts filmés. Là aussi un beau bouquet pour le côté musique (et vraiment peu onéreux) et pour le coup quasi illimité. On parle de 50 connexions simultanées, ce qui à notre échelle ne risque jamais d'arriver. De la musique classique au jazz en passant par le hiphop, partitions et instruments, tout y passe. Personnellement j'apprécie ce côté "concerts" vraiment complémentaire de l'offre musique cd de notre médiathèque.

Round 8 : Les ressources numériques disponibles sur place.


Europresse. Consultation d'archives de presse parmi "beaucoup beaucoup" de titres allant jusqu'à 25 ans selon les titres. Je ne cache pas que les commerciaux ne sont pas passés loin de la case SPAM avec leurs multiples mails nous invitant aux maintes et maintes démos et visio-conférences pour leur produit. C'est l'aspect illimité et PDF qui aura fait pencher la balance. Nous avons donc dédié un poste dans l'espace. Offre intéressante pour du sur place mais improbable (à moins d'avoir un sacré bon budget) pour une utilisation à distance.


Universalis et Universalis Jr. Pour nos collégiens (et étudiants) noyés dans la marre Google et Wikipédia. Accessibles sur tous les postes publics de l'EPN. Universalis qui a bénéficié d'une vraie refonte (vu l'ancienne version à Fontenay et pas convaincu pour un sous) et a gagné en clarté, en simplicité d'utilisation, avec une belle cartographie, un dictionnaire, des traductions anglais-français, des vidéos, une banque d'images libres. Déjà pas mal utilisé depuis l'ouverture quand il s'agit de recherches sérieuses. Vraiment sympa.

Round 9 : La liseuse.
Notre choix : la Cybook Black Odyssey 2013 Edition. (à 2 mois près nous aurions pu avoir la Frontlight (retro-éclairée) et ça c'est moche). Outil inconnu pour ma part, donc auto formation sur son utilisation ; une prise en main vraiment facile d'accès, avec un confort de lecture (encre numérique, petit et léger), une sacrée longévité hors charge (30 jours annoncés) et un système ouvert qui gère très bien les formats principaux d'ebooks (epub et pdf). Attention, ceci n'est pas une tablette tactile (pour ceux encore qui doutent), ici l'usage est uniquement réservé à un public "lecteur" de livres numériques (ou de mangas pourquoi pas, au vu de son affichage en niveaux de gris) ; nous sommes très loin de la réactivité d'une tablette (même bas de gamme). Nous en avons acquis 20. 17 sont en prêt. Les reste à tester sur place pour le public. Un projet de portage à domicile est en cours de réflexion.

Round 10 : Les réunions et "formations" intra-muros. Les ateliers numériques.

Les choix matériels étant faits, l'heure est venue de préparer les collègues champions du monde à l'arrivée imminente des nouveaux services numériques et donc à l'évolution du métier. A la base il était prévu une vraie (re)mise à niveau pour toute l'équipe, pour finalement se régler avec les moyens du bord et les compétences en intra. Une simple question : Qu'est-ce que le numérique? (2 collègues titubent déjà). Puis présentation des différents fournisseurs choisis (3 autres arrêtent de respirer). Quelques mots clés : Streaming, ebooks, VOD, etc. (encore 2 de perdus). Pour les moins concernés, un minimum d'aiguillage en cas de renseignements du public. En fin de compte tout le monde jouera le jeu (et ça c'est bien!).


Chaque mardi soir et mercredi matin (hors vacances scolaires), des ateliers numériques sont datés et mis en place pour les usagers. Du thème grand débutant à certains sujets pour les plus confirmés, j'ai essayé de placer un programme assez large inspiré de ce qui se fait partout ailleurs. En calant les collègues de temps en temps. Qui dit atelier ne dit pas formation à proprement parler, j'insiste bien sur le termes "initiation" et "moment d'échange", avec dans l'idée que tout passe par la pratique avant tout.

Round 11 : La com'.
Avec l'accord et les moyens du service communication de la ville, j'ai pu bosser sur de l'affichage municipal style jcdecaux. Un artwork pour une affiche, un kakémono, un guide des ressources numériques (réalisé par mon binôme), des flyers pour les ateliers. Des infos sur le site et la page Facebook de la Médiathèque. Des éléments de communication bien placés pour annoncer le round final. Et ce dossier dans l'ANC. Les arcueillais n'y échapperont pas.



Round 12 : L'inauguration.
En présence de Monsieur le Maire et de ses élus pour une inauguration digne de ce nom. Discours officiel, remerciements, petits fours, et un speech by myself (le pire exercice de ma vie) devant foule. Les liseuses sont prises d'assaut, les ateliers sont multi-réservés, tout s’enchaîne rapidement, avec au final un petit tournoi Fifa  PS3 pour les 12-15.

Conclusion : Tout reste à faire. Pour hier.

Aujourd'hui, tout roule comme sur des roulettes, les bases sont posées et fonctionnent correctement. Les ateliers tournent à plein régime. Plus de libertés pour la jeunesse et les usagers en général mais ça reste hyper cadré par nous-même.
Un partenariat avec Pole Emploi est prévu, un projet d'accueil de classe est en cours. Rien n'arrête la prospection, sachant que nous sommes engagés sur 1 an avec chaque fournisseur, et que comme dit plus haut, les offres numériques évoluent. Après 2 mois on peut déjà voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas (et ce qu'il faut faire pour que ça fonctionne).

Mon article promis touche à sa fin. Vos questions, retours d'expériences sont les bienvenues et seront appréciées, à vous gens du métier. ++