28 décembre 2018. 5 ans et des patates plus tard. Fin d'évaluation annuelle. Le brand new directeur me pose comme objectif 2019 un renouvellement de la transversalité entre les ressources numériques et mes gentils collègues toujours aussi enclin à conseiller le public dans ce domaine (en gros : je vous invite à aller voir le monsieur de l'EPN...).

Peut-être est-il temps de dresser un état des lieux de notre cher Espace Public Numérique après 5 années de bons et loyaux services.

Round 1 : Le point.
L'EPN d’aujourd’hui c'est : les mêmes 10 postes informatiques sous windows 7 (à l'heure où je suis enfin passé au 10), qui tiennent encore la barre, malgré l'acharnement des petits et grands. Des PC déverrouillés donc plus vulnérables (même si Bitdefender) mais franchement rien de menaçant en 5 ans (quelques coups d'Adwcleaner et d'Usbfix de temps à autre). L'utilisation principale des machines par le public reste en grande partie pour de la bureautique (devoirs, exposés, démarches administratives, emploi, etc.) et de la navigation internet (loisirs ou pro). Les enfants continuent d'y saigner Rayman, Trackmania, etc. (petits jeux pas très gourmands installés depuis les débuts) et on remarquera même une baisse de fréquentation des sites de jeux flash&co (que j’exècre) sûrement dû au fait qu'on propose du jeu-video sur console juste à côté (j'en parle en round 2).
Nous avons également été équipés par l' UNADEV pour accueillir les publics aveugles et déficients visuels avec du matériel adéquat (ordinateur avec écran maxi pouces et logiciels spécialisés, un clavier gros caractères, une plage braille 40 cellules et un télé-agrandiseur 23,5 pouces, etc.). Matériel indispensable mais qui prend malheureusement la poussière car jusque là jamais demandé.

Round 2 : Le jeu-vidéo, cœur de bataille des EPN.
Dès nos débuts nous avons eu la chance (grâce à un budget plutôt conséquent) de pouvoir investir au fil des ans dans des consoles et jeux-vidéo. La PS4 et l'éternel Fifa, la Wii-U et son excellent Mario Maker, puis la Switch et l’indétrônable Mario Kart, le PS-VR ou encore une Super Nintendo d'époque. Avec une belle sélection de jeux en boite, la plupart grand public, cette offre est sans équivoque un des points forts de l'espace. Les 6-16 aiment jouer à l'EPN, l'époque Fifa only est maintenant passée (du moins chez nous). L'avantage d'avoir tout un tas de jeux sur consoles dernière génération c'est de pouvoir pro(im)poser autre chose à nos graines de geek.

Le PS VR est un atout indéniable, avec la mise en place de temps où le public peut faire l'expérience d'une plongée sous-marine en réalité virtuelle (jaws inside) entre autre. Les gamers plus vieux on ne les voit pas ou trop peu hélas et ce n'est pas faute d'avoir essayé d'en brancher quelques uns. Nous nous sommes essayé à une soirée Halloween avec la possibilité de tester le dernier Resident Evil toujours en réalité virtuelle (interdiction au moins de 18 ans) mais nous avons fait un four monumental. L'allergie d'une partie de la population envers les bibliothèques se ressent toujours autant (pas le temps hein...).

Round 3 : Quid du public, des usagers, un peu de négativité.
Il faut de tout pour faire un monde, il faut aussi beaucoup de folie (chez l'adulte du moins) pour venir jour après jour et s'approprier le lieu et en faire son chez soi. Pour l'EPN c'est le cas, certains humains habitués se sont transformés en meubles et transpirent la solitude (volontaire ou non) en position assise dans le cirage de 9h à 18h non stop. Le plus ardu reste à gérer les coups de sang de ces certains quand leur -chez soi- est dérangé par du mouvement autour et alentours. Je peux parler aussi de ces enfants abandonnés dans nos murs, dont les parents pensent faire une affaire avec un officieux centre de loisirs gratuit (Je vous le laisse hein... mieux vaut être à la bib que dans la rue dira-t-on). Je peux parler aussi (2) de cette jeunesse non éduquée qui ne connait pas le sens du mot respect complètement indifférente au monde qui l'entoure, qui aime tester, juste pour voir... d'ailleurs cette année on se rappellera de la gifle (méritée mais que je ne cautionne pas (ou pas)). Quand dans ton profil de poste il pourrait y avoir agent de sécurité en cas de besoin.

Alors bien-sûr nous faisons face aux aléas de l'accueil de public, il subsiste toutefois un turnover agréable qui permet de ne pas s’encroûter. J'ai maintes et maintes fois pensé et commencé à écrire sur la folie de certains usagers mais c'est tombé à l'eau à force de relativisme car sans eux finalement moins de public. Alors on fait avec, on forge le répondant et on reste professionnel.
Sur une note plus positive : aider, conseiller, accompagner les usagers et lutter alors contre cette "fracture numérique" (ou "illectronisme") reste le grand axe des missions qui m'incombent. Et la satisfaction qui en découle valorise au maximum le métier à mes yeux. Le service public prend là tout son sens...

Round 4 : Les partenariats extra-muros.
C'était et ça reste une des missions de l'EPN. Construire des partenariats avec les différentes structures de la ville.
Paul Emploi n'a pas vraiment eu le temps. Nous avons fait sans.
Ma coolègue (ex-micro embauche (mi-temps vacataire précaire) passée plein-temps pour l'occasion) en charge des Temps d'Activités Périscolaires (TAP) d'un côté, projet mort né car inadapté (mais qui a quand même duré 2 années), 45 petites minutes de loisirs numériques sur tablette ou pc avec des primaires à qui il ne faut plus demander de se concentrer (vu l'heure), même avec les meilleures intentions il fallait s'accrocher.
Les accueils de classes : réalisation de courts métrages muets façon The Artist par mes soins (écriture côté image et son), puis Pixel Arts chapeauté par ma coolègue toujours qui en aura fait sa spécialité.
L'accueil du club 12-15 axés sur le jeu vidéo (mais aussi le montage photo). Entre tournois Fifa, Mario Kart et réalité virtuelle.
L'accueil des retraités (en partenariat avec le Service Retraités de la ville) avec entre autre une bonne vielle partie de bowling sur Wii-U, ou plus sérieusement des initiations numériques (en continuité de ce qui se faisait à l'époque Image et son).
Le temps d'accès "hors ouverture public" restant assez limité, il est encore difficile aujourd'hui de monter des projets pour ces créneaux.
Les rétrospectives jeux-vidéo en partenariat avec l'Association  MO5.com. En janvier ce sera notre 4ème événement de ce type. Un premier après-midi Street Fighter, puis Mario Kart, puis un peu plus spécifique SHMUP et le prochain Super Smash Bros. Qui dit rétrospective dit possibilité de jouer aux différentes versions du jeu qui auront traversé le temps, et qui parleront donc aux parents comme aux enfants. L'avantage d'avoir MO5 à deux pas de la médiathèque n'est pas des moindres. L'association est en possession d'un fonds considérable de matériels, consoles et jeux-vidéo, allant du très ancien au plus récent, le tout de surcroît jouable (et exposable). Un projet sur du plus long terme est à l'étude et risque fort de plaire à cette communauté de retro-gamers dont je fais moi-même partie.

Round 5 : Les ateliers numériques out!
Après l'engouement des 6 premiers mois, l'information aura fait le tour de la population (l'éternel problème de communication...). De 10 intéressé(e)s par session, nous sommes passés à 2 ou 3. L'offre a donc muté en mode "Cafés numériques" (sans café), où l'on prend le temps d'accompagner sur rdv concrètement en tête à tête les numerico-aspirants de tous âges (terme auto-inventé) sur tous les thèmes possibles et inimaginables dans la limite de nos connaissances disponibles (et on en connait un rayon). De la simple initiation informatique à l'installation d'imprimante en passant par les galères de smartphones android et cie, c'est dire si j'en ai vu passer des questionnements informatiques et numériques durant ces 5 années, la liste est longue. Certains usagers auront même remercié par courrier Monsieur le Maire pour son formidable service fourni dans son formidable EPN. Le service après-vente Darty s'est presque plaint pour concurrence déloyale...

Round 6 : Les ressources numériques.
Après 1 à 5 ans de loyaux services. EXIT Numilog, Toutapprendre, Europress, Pressens, Kiosk, Naxos,... Ces ressources qui ne fonctionnent clairement pas (à croire que certains ont voulu profiter de la cible), là aussi pas faute d'avoir médier de notre côté. A l'heure où Youtube et Spotify règnent sur la toile, où la simplicité est de mise, allez expliquer à vos usagers comment installer Adobe Digital Editions pour déverrouiller les ebooks loués qui s'autodétruiront dans 30 jours ouvrés. Trop peu de demandes pour un service si cher payé. Cette séparation a été motivée par l'arrivée d'Eurêka, plateforme collaborative de ressources sur internet, qui propose aux usagers des médiathèques du département un maximum de ressources numériques de qualité (code de la route, langues étrangères, dictionnaires, soutien scolaire (collège et bac), cinéma, concerts audio ou vidéo, créations locales et partitions, livres audio...). De notre côté restent les irréductibles Médiathèque Numérique et Encyclopédie Universalis qui tiennent le coup avant tout pour la qualité incontestable de leur fonds et ils le valent carrément bien.

Conclusion : Tout reste à faire. Pour hier (mais moins qu'avant).
Qui dit changement récent de direction dit nouvelles orientations et ce côté dans l'urgence qui pesait lourd dans la balance n'est plus, et donc plein de choses très numériques sont en préparation. Le métier reste en constante évolution, on parle maintenant de quatrième lieu (vivement le huitième), d'illectronisme, d'ouverture inéluctable du dimanche... nous verrons ce qu'il en ressortira dans 5 ans.
Je réitère : Vos questions, retours d'expériences sont les bienvenues et seront appréciées, à vous gens du métier. 
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